L’idée de cet article est venue à la suite d’une présentation de Bitcoin dans le milieu académique.
Après deux heures passées à expliquer l’origine et le fonctionnement de la reine des cryptos à des têtes bien faites, quelle ne fut pas la surprise - face aux inévitables questions qui épiloguent ce genre d’exposé - d’être confronté aux poncifs les plus basiques et éculés sur cet objet :
monnaie ‘privée’, financements occultes, volatilité extrême, caractère ‘virtuel’, ‘technologie blockchain’, gouffre énergétique, etc.
puis le coup de grâce venant d’une question sur l’absence d’intérêt financier à investir dedans.
Tout ça pour ça ?
Aux oubliettes la rareté programmée, la vie privée, la liberté, la réappropriation et l’idéal de gouvernance ?
A la fin, pour l’orateur désabusé, il y a de quoi jeter l’éponge... et c’est ce qui s’est passé.
Alors que la vérité sur ce qui demeure de l’exposé n’est probablement pas si négative, la frustration et l’amertume viennent pourtant entacher le souvenir de ce moment.
Avec un nécessaire recul, écrire à ce propos semble un acte utile, presque thérapeutique, et doit à la fois questionner et renseigner le lecteur cryptoenthousiaste.
La question fondamentale est de savoir où se situe le problème et pourquoi une présentation logique, rationnelle et scientifique de la chose ne parvient pourtant pas à remporter l’adhésion de cerveaux éprouvés au raisonnement.
La première objection qui vient à l’esprit est la qualité de la présentation… Balayons-la rapidement : vulgarisée mais techniquement exacte, elle a déjà été reconnue au sein de la communauté.
La seconde tient à l’environnement… Un magnifique auditoire dans un sanctuaire du savoir et avec un encadrement on ne peut plus académique, donc hors de cause.
Les raisons doivent alors se trouver ailleurs, hors du contextuel mais bien dans l’esprit de chacune et de chacun, dans leur opinion préfabriquée.
La formation de l’opinion, son contrôle et sa mesure mais surtout sa puissance se placent certainement au centre du problème ; c’est une force titanesque, il faut en être conscient.
De facto, depuis que Bitcoin a attiré l’attention, il a essentiellement fait l’objet de traitements négatifs et sensationnalistes par des médias qui, plus intéressés par les abonnements impulsifs et la bénédiction de capitaines financiers, n’abordent leur sujet que pour quelques heures et avec un unique but : effrayer la ménagère de 50 ans.
Or, et nous ne le savons que trop bien, un intérêt tardif et superficiel à Bitcoin ne peut aboutir au mieux qu’à de grossières approximations, au pire… à la manipulation des opinions.
Ainsi, dans son histoire médiatique, le statut le Bitcoin a bien voyagé : de ‘délire d’informaticiens’ à ‘bulle spéculative’ en passant par ‘arnaque à la Ponzi’, ‘monnaie de casino’, ‘monnaie des trafiquants ‘puis ‘pas une monnaie, point final’ ou encore ‘surtout n’y touchez pas’
Un matraquage permanent, jamais auto-démenti, cela ne peut qu’émouvoir Tata Jacqueline lorsqu’en plein repas familial, vous annoncez informer sur le sujet...
Donc, ne jamais oublier, quelles que soient les circonstances, qu'expliquer Bitcoin, c’est se confronter aux biais cognitifs d’une foule qui, indépendamment de son niveau d’instruction, a été nourrie à la même tambouille
Bitcoin ne se laissera pas accueillir par un ‘mixte de culture générale et d’épais bon sens’ - comme le disait si justement Jacques Favier - mais bien par une patiente et répétitive contre-manipulation.
Ce qui nous amène à une dernière chose : la compétence de l’orateur.
‘Vingt fois sur le métier, il faut remettre l’ouvrage’
C’est là la conclusion, une leçon à tirer de cette expérience : produire du contenu, échanger avec autrui - de préférence en opposition d’avis, oser se confronter aux mensonges et aux contre-vérités, c’est cela qui fera grandir, aiguiser nos arguments et remporter le débat.
Bitcoin est un protocole transactionnel constituant son propre réseau où l'on s'échange des jetons sur un registre. Le jeton, le registre et le réseau ont une réelle utilité. Expliquer cette utilité est une noble cause, alors soyons constants et tenaces.
C’est la nécessaire frustration Bitcoin